GALERIES
Ça va waka !
Mars 2015
La série de photographies en noir et blanc exposée ici révèle un monde étrange. Dans les sous-sols de l’Aéro-Habitat, « cité radieuse » suspendue dans le ciel d’Alger, une communauté de migrants subsahariens a trouvé refuge. Hébergés en échange de travaux d’entretien dans le géant de béton dont les ascenseurs servent également de passage pour les piétons entre la ville haute et le centre, ils sont venus du Cameroun pour rejoindre un ailleurs meilleur qui s’est peu à peu dérobé, chaque jour plus hypothétique, plus lointain. Ils ne peuvent plus revenir sur leur pas, leur monde ancien a disparu et les voilà comme en déshérence, entre deux rives, entre deux rêves.
Au centre du travail de l’artiste, ils sont cependant partiellement absents, à demi révélés. On les devine dans un espace, lui aussi incertain, qui tient de « l’abri d’infortune », sans ouverture, sans air, dans les entrailles du monstre.
Pour réaliser cette série, Nassim Rouchiche n’a usé d’aucun artifice ; point de retouches ni de jeu numérique. Il a tout simplement joué sur le temps, celui de l’approche puis celui de l’exposition qui fait remonter ou s’effacer les silhouettes de ces personnages dans une galerie mélancolique de la condition humaine. Son regard est caressant, respectueux, sincère et poétique. Une esthétique de la simplicité, de l’évidence.
Jean-Jacques BEUCLER